“Fais-le bien, et laisse dire” (proverbe suisse) – Partie 1: Chapitres 1 à 4

C’est l’été ! Si tu as l’occasion de prendre des vacances, tu auras sûrement l’occasion de lire.

Durant l’été, je publie chaque semaine 4 chapitres de mon autobiographie “Fais-le bien, et laisse dire”, qui est sortie en avril 2020 aux Éditions Tabou.

Plonge dans l’univers captivant de mon livre “Fais-le bien, et laisse dire”:

Quand un journaliste a déclenché l’avalanche médiatique autour de ma personne en août 2014, j’ai vécu des moments très difficile. Il a amené ma vie secrète sur la place publique, alors qu’elle n’était destinée qu’à un public averti.

Pour protéger mon fils, ma famille, mes proches, j’ai décidé de faire l’autruche et de ne répondre à aucune demande d’interview pour raconter ma version des faits. C’était la seule et meilleure solution pour continuer de vivre. En même temps j’étais malheureuse durant ces années, car j’aurais eu envie de répondre à toutes ces personnes qui m’ont jugé sans me connaître et surtout défendre ma liberté d’être moi-même.

Aujourd’hui mon fils est adulte et mène sa propre vie. Cette histoire n’a plus le même impact sur lui. J’ai donc décidé d’enfin être libre et de raconter toute la vérité sur ma vie.

La première partie du livre raconte comment j’ai vécu l’histoire déclenchée par mon tweet sexy depuis ma place de travail, comment j’ai géré la situation et comment je m’en suis sortie.

La deuxième partie raconte ma vie de libertine que je mène depuis que j’ai vingt ans. J’ai déjà eu des retours des premiers lecteurs, notamment de lectrices, que certaines scènes de mes aventures que je raconte seraient trop dures, voir choquantes.

Je suis consciente que mes pratiques ne sont pas communes et peuvent interpeller. Est-ce que j’aurais dû écrire une version soft et/ou zapper certains passages ? Peut-être. Mais en même temps, cela aurait faussé mon histoire. Cela fait partie de ma personne, de ma nature. D’un côté, je suis cette employée sage, une maman poule, une femme joyeuse qui adore rire et qui ne se prend pas au sérieux, mais cela ne m’empêche pas d’avoir des fantasmes très hard et des envies qui virent dans le masochisme. J’avais justement envie de montrer ces côtés de moi et démontrer qu’être une maman douce et aimante n’empêche pas de vivre ses fantasmes sexuels. Le BDSM n’est pas uniquement réservé à des personnages d’un cercle fermé « underground».

Pour moi, défendre le droit des femmes, c’est aussi ça. Encore trop de gens ont tendance à penser que « ça ne se fait pas en tant que mère de famille ». Est-ce que les femmes perdent le droit de vivre une vie sexuelle hors norme dès le mariage ou l’accouchement ? Non, je ne le crois pas.

Prélude

Suite aux nombreux articles parus dans la presse suisse et étrangère en août 2014, je n’ai jamais donné d’interviews ou d’explications. Les journalistes m’ont harcelée pendant de longues semaines, afin d’obtenir ma version des faits. Jusqu’à aujourd’hui j’ai préféré me taire et que l’on oublie cette affaire.

J’ai envie à présent de m’expliquer, de raconter comment j’ai vécu ce scandale dans la presse, pourquoi j’en suis arrivée là et ce qui m’a poussée à publier ce tweet sexy depuis le Palais fédéral, qui a déclenché la vague médiatique. Il me serait impossible d’expliquer toute l’histoire dans une interview. J’ai donc décidé de raconter mon histoire dans ce livre. Celui-ci décrit, dans une première partie, comment la liberté de la presse a failli me détruire ainsi que ma famille.

Dans la seconde partie du livre, je raconte la construction de ma vie de libertine, ainsi que la description de quelques rencontres libertines ou bdsm. Le récit de mes aventures peut interpeller et s’adresse uniquement à un public averti. Certaines personnes seront choquées ou ne comprendront pas, mais cela fait partie de ma vie et une censure de ma part ne refléterait pas qui je suis.

J’ai envie de montrer que l’on peut avoir une vie sexuelle hors norme tout en étant une femme, une mère de famille et une employée ordinaire. Je ne suis pas une salope, ni une pute, ni une malade mentale, comme le disent certaines personnes, sous le sceau de l’anonymat, dans les commentaires de la presse d’août 2014. Je ne suis pas non plus une diva, ni une star du X. Je ne suis qu’une femme libérée et libre, qui réalise ses fantasmes. Je m’assume, et rien ne m’a jamais empêchée de m’amuser, sauf la fameuse « liberté de la presse », qui a permis d’écrire un article destructeur sur une femme ordinaire, en le faisant passer pour du droit à l’information.

Pour ma famille et mes amis qui me reconnaîtront, et qui ne sont pas au courant de la partie cachée de ma vie, je vous prie de ne pas me juger trop vite. Je suis toujours la même personne et sans ma double vie, je ne serais pas la personne que vous aimez. C’est également cette partie de moi qui me rend heureuse, épanouie et qui est le moteur de ma vie. J’adore mon fils et ma belle-fille d’un amour infini, j’aime mes petits-enfants, mes parents ainsi que mes amis. Mes envies sexuelles n’ont rien à voir avec ça.

 – PARTIE 1 –

LA SECRÉTAIRE PORNO DU PALAIS FÉDÉRAL

Chapitre 1: Mercredi fatal

Mercredi 6 août 2014 commence comme une journée tout à fait banale. Après les vacances d’été, il y a un grand envoi à effectuer aux Services du Parlement helvétique. Une partie importante de mon travail au secrétariat de la commission des affaires juridiques consiste à préparer et à envoyer aux parlementaires suisses tous les documents pour la prochaine session.

Chaque commission emploie deux ou trois secrétaires pour soutenir le ou la responsable dans les tâches administratives. Un travail pas très intéressant, qui se déroule devant la copieuse et ensuite dans les sous-sols du Palais fédéral, pour préparer des énormes tas de papiers à envoyer. Entre les secrétaires, nous nous moquons souvent du fait qu’à l’heure actuelle, le Parlement n’est pas encore passé à la documentation électronique et nous estimons fréquemment, en rigolant, le nombre d’arbres que nous venons d’abattre indirectement.

Ce matin, l’ambiance est comme toujours bon enfant. Je m’entends extrêmement bien avec mes collègues. Surtout avec L., qui partage mon bureau, et N. du bureau d’à côté. Il nous arrive d’attraper des fous rires pour tout et pour rien, même dans le plus grand stress. On se dit souvent que même si nous n’avons pas envie de venir travailler, on se réjouit toujours de retrouver les copines de bureau.

Autour de 9 heures du matin, je suis à mon bureau en train de préparer les derniers documents à imprimer afin de les copier par la suite. Je reçois, ainsi que tous les employés, un mail interne concernant un article qui vient d’être publié en ligne par le journal Neue Zürcher Zeitung. Comme je suis sous pression pour l’envoi qui doit absolument partir aujourd’hui, je n’ouvre même pas ce courriel. Une information interne est à ce moment-là la dernière des choses qui me préoccupe. J’ai mes pensées entièrement dans mon travail, et comme toujours je veux que tout se passe bien et sans erreurs. Ma collègue L. vient de revenir après son congé maternité. Elle a diminué son taux de travail, et moi j’ai augmenté le mien afin de lui permettre de rester.

J’ai assuré seule le travail du secrétariat de la commission des affaires juridiques pendant son absence. Cela ne m’a jamais dérangée de courir pour le boulot, car j’ai toujours préféré le stress à l’ennui au travail. Au moins, les journées passent plus vite.

Une heure après cette première alerte que j’ai ignorée, mon mari Vincent m’envoie par courriel un lien vers un article paru en ligne dans le Blick, un journal de boulevard suisse alémanique qui est connu pour ses articles à scandales et ses femmes nues en troisième page. Presque en même temps, un second courriel interne avec le même article arrive dans ma boîte de réception. Je ne lis jamais le Blick. Cette presse à sensation ne m’intéresse pas du tout. Mais comme le courriel vient également de Vincent, il faut quand même que j’ouvre le lien. D’autant plus qu’il m’a juste écrit dans l’objet de son mail : « Ils parlent de toi ».

En ouvrant le lien, j’ai d’abord un choc. L’article parle d’une femme qui a publié une photo sexy depuis le Palais fédéral sur son compte Twitter.

L’article autour de ce fameux « selfie de nu » est écrit d’une manière très vulgaire, mais n’a pas plus d’informations et est juste illustré avec une image d’une femme blonde. Ça me calme un peu car je suis brune. Mais dans ma tête je suis quand même confuse. Est-ce moi ou pas ? Qu’est-ce qu’il se passe ? À cet instant, je ne peux pas m’imaginer que ce premier article peut avoir une suite. Pour moi, l’histoire s’arrête à ce seul article, dont je ne connais pas la raison ni la source. C’est trop étrange. En même temps, je ne peux pas vraiment m’identifier au contenu, même si le hasard serait quand même énorme qu’il y ait une seconde personne qui fait des selfies au Palais fédéral, mais la fille sur la photo est blonde. Donc pourquoi pas finalement ? Je ne suis sûrement pas la seule fille en Suisse à publier des photos sexy.

Je réponds à Vincent que je ne sais rien de plus concernant cet article et que ce n’est probablement pas moi. Je lui demande quand même de supprimer par sécurité mes deux comptes Facebook ainsi que mon compte Twitter. On échange quelques mails en vitesse, car nous sommes tous les deux au travail. « Je l’ai fait, j’ai tout supprimé, même ton site ». Qu’il ait également supprimé mon site Internet me fâche un peu, je trouve ça exagéré. Ce site fait partie de ma vie depuis de nombreuses années, mais c’est mieux d’être prudent.

On en parlera plus tard. Pour le moment, je dois absolument me rendre dans les sous-sols du Palais fédéral pour commencer le triage de la documentation, parce que nous sommes déjà en retard avec l’envoi du jour. Comme je suis stressée au travail, je n’ai pas le temps de réfléchir plus à ces fameux articles. Mes comptes ne sont désormais plus accessibles, l’histoire est pour moi terminée.

Quand je rejoins mes collègues pour commencer le triage des documents, elles sont en train de discuter de l’article.

— Tu t’imagines ? Qui peut faire une chose pareille ? C’est dingue. Elle doit être folle. Qui ça pourrait être ?

Elles n’arrêtent pas de parler de ça. Elles sont tout feu tout flamme devant ce petit scandale et s’écartèlent le cerveau pour trouver qui ça peut être.

— Peut-être voulait-elle juste envoyer une photo sexy à son copain.

J’essaye de relativiser, en ne sachant toujours pas s’il s’agit vraiment de moi. Sur ce point, je me sens plutôt calme. J’essaye de me convaincre que l’article ne parle certainement pas de moi, surtout à cause de l’image d’illustration de l’article avec la fille blonde. En plus,

Vincent me reconfirme par courriel avoir supprimé tout ce que nous avions publié sur internet. Qu’est-ce qui peut arriver maintenant ?

Je rejoins Vincent pour la pause de midi et nous discutons bien évidemment de cet article. Nous ne pouvons pas être sûrs de ce qu’il se passe, mais nous sommes d’accord sur le point qu’il n’y a plus rien qui traîne sur internet concernant ma personne. Nous ne sommes pas plus inquiets et passons notre pause de midi tranquillement assis sur un banc en train de manger un sandwich.

Je retourne au bureau et je continue mon travail comme si de rien n’était. À peine une demi-heure plus tard, la bombe arrive. Vincent m’envoie par courriel la mise à jour de l’article du Blick, en écrivant : « Il s’agit bel et bien de toi ». En découvrant l’article, mon coeur s’arrête de battre pendant un petit moment. J’ai des sueurs froides dans le dos. C’est assez compliqué de rester impassible vis-à-vis de ma collègue de bureau.

Cette fois-ci, l’article est truffé de photos volées sur mon compte Twitter. Une catastrophe. Des photos sexy, dont celle que j’ai prise maladroitement et par ennui un vendredi après-midi en étant seule au bureau. J’ai fait un selfie en montrant un bout de sein pour faire un « coucou sexy » à mes followers sur Twitter.

J’ai toujours aimé échanger, recevoir des commentaires, et bien sûr comme tout un chacun qui a un compte, augmenter mon nombre de followers avec une photo originale. Cela ne m’a pris qu’une minute. C’était une action spontanée, irréfléchie, que je croyais amusante et pas bien grave. Personne ne m’a vue, les bureaux et les couloirs étaient vides et on ne reconnaissait pas mon lieu de travail. Je l’ai juste fait pour rigoler, mais cet acte s’avère aujourd’hui être une erreur fatale. Je suis abasourdie. Est-ce qu’une seule simple photo peut suffire à mettre en route cette avalanche médiatique ? Je suis perdue.

Toutes les autres photos sont prises en vacances ou à la maison. Il s’agit de photos complètement privées. De découvrir ses images publiées, à la vue de tout le monde, me trouble profondément. C’est comme un viol de ma vie privée. Sur chaque image mon visage est flouté, mais tellement grossièrement que l’on peut m’identifier sans aucun problème. Dans ma tête, mes pensées sont mélangées. Est-ce que l’on me reconnaît vraiment ? Je sais que c’est moi, mais si une autre personne n’est pas sûre de ce fait, est-ce qu’elle peut m’identifier quand même ? Que penser ? Pourquoi ont-ils flouté mon visage de manière si sommaire ? Pourquoi parler de cette image publiée sur Twitter ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Est-ce que ça vaut vraiment un article dans un journal ?

Je ne sais plus quoi penser, je ne sais pas quoi faire. Faire semblant de ne rien savoir et ne pas me sentir concernée me semble une attitude normale pour le moment. Je suis vraiment perdue dans mes pensées qui partent dans tous les sens. Il s’écoule très peu de temps avant qu’un nouveau mail interne soit adressé aux employés du Parlement : Qui est au courant de quoi que ce soit sur l’affaire est prié de se rendre d’urgence chez le secrétaire général de l’Assemblée fédérale.

Comment est-ce possible ? Je suis comme paralysée. Incapable de réfléchir correctement. Je suis figée mais en même temps je ne pense jamais à prendre mes affaires et rentrer, car j’ai un travail à finir. Jusqu’au bout, je reste responsable et fidèle à mon travail. Je décide de repousser l’évidence et en cas de soupçons je nierai tout en bloc. Aussi parce que je suis sûre à 200% que mon compte Twitter n’existe plus. Sans preuve, on ne peut pas m’accuser. Bien sûr qu’il s’agit de moi sur les photos, mais il faut encore pouvoir le prouver. Mon visage est flouté sommairement mais il est flouté, et personne ne connaît mes tatouages sous mes vêtements. Qu’est-ce que je risque en plus ? Un avertissement ? Que l’on me sermonne ? Je sais que j’ai fait une erreur en prenant cette photo sexy sur mon lieu de travail, mais est-ce que c’est vraiment si grave ? À ce moment-là, je ne peux pas encore imaginer les conséquences de mon acte qui est certainement une bêtise, mais pas bien méchante.

J’essaye de me concentrer sur mon travail et je ne remarque pas que mes collègues de bureau ne sont plus là. Elles doivent être rassemblées devant un écran, et moi je m’accroche aux paroles de Vincent, que tous mes comptes de médias sociaux sont supprimés. Personne ne peut plus trouver de traces de moi sur internet, per sonne. Je m’accroche comme à une bouée de sauvetage dans cet océan déchaîné, surtout j’y crois vraiment.

Tout à coup, une secrétaire d’une autre commission entre dans mon bureau et me dit froidement :

— Tu sais, je t’aime bien, mais alors ces images-là. Franchement, ce n’est pas possible. Tu devrais faire attention, avant de repartir sans que j’aie eu le temps de lui répondre.

Je ne comprends plus rien. Je n’ai même pas le temps d’y réfléchir que le secrétaire général en personne vient me chercher.

— Madame, pouvez-vous m’accompagner, s’il vous plaît ?

Je le suis avec une boule au ventre. Mon cerveau ne fonctionne plus. Il me guide dans son bureau, que je n’ai vu qu’une seule fois, quand je me suis fait engager il y a deux ans. Nous avons eu un bref entretien très agréable. Je me suis toujours très bien entendue avec les Romands, surtout après plus de dix-sept ans de vie commune avec un Romand et je me sens très à l’aise pour communiquer en français.

Dans le bureau, les autres membres de la direction m’attendent, le chef du secteur commissions & recherches, la secrétaire générale adjointe et la cheffe du domaine des ressources humaines et finances. Ils me demandent de m’asseoir avant de commencer à me questionner. Comme je l’avais imaginé rapidement auparavant dans ma tête brouillée par toutes ces informations, je continue de dire qu’il ne s’agit pas de moi. Intérieurement, il m’est absolument impossible à ce moment-là de répondre autre chose. Je veux y croire. Il faut que je m’en sorte de cette manière. Ils n’ont pas de preuves. Ils ont certainement des doutes et des témoignages de personnes, qui ont cru me reconnaître.

À ce moment-là, le secrétaire général me demande de le suivre devant son ordinateur, et ce que j’aperçois est comme un énorme cauchemar. Sur l’ordinateur se trouve mon compte Twitter entièrement intact avec toutes les photos. Il a choisi deux trois images sans nudité pour me demander de confirmer qu’il s’agit bien de moi. Je n’arrive toujours pas à raisonner normalement, et encore une fois je suis incapable d’avouer simplement la vérité. Je suis juste morte de trouille. J’ai tellement peur de ce qu’il peut m’arriver. Les choses se sont développées si vite et sans avertissement. Je suis complètement dépassée.

J’invente une histoire que quelqu’un a dû pirater mon compte, a dû voler des images et les publier à mon insu. Quand j’y repense, c’est vraiment bête de ma part mais je suis dans la fuite, dans le déni. Je n’ai rien fait de mal et on m’accuse.

On me dit lors de cette séance qu’ils vont enquêter sur cette affaire et que le temps que ça se clarifie, il vaut mieux que je quitte immédiatement les Services du Parlement. Je ne peux même plus dire si c’est le secrétaire général ou un autre membre de la direction qui me l’annonce. Je suis dans le brouillard, une sorte de rêve bizarre. Je n’entends les voix que de loin.

On m’accompagne à mon bureau pour aller chercher mes affaires, puis on me guide jusqu’à la porte principale en me demandant de rendre mon badge. On m’explique comme à un petit enfant, en voyant qu’apparemment je ne comprends rien à cette histoire. Cette situation me semble tellement irréelle. Sur le moment, je ne comprends même pas qu’on m’ait mise à la porte, que je suis libérée immédiatement de l’obligation de venir travailler. J’ai comme un énorme vide dans ma tête et ce n’est qu’une fois sur la place, devant le Palais fédéral, que je commence à réaliser l’ampleur de cette histoire.

En pleurs, je téléphone à Vincent. Entre-temps il a vérifié ce qu’il se passait avec le compte Twitter et sa réponse a tout expliqué. Il n’avait pas lu la petite indication, qu’après la suppression du compte, celui-ci reste encore 30 jours actif et en ligne. La catastrophe. Absolument tout le monde a pu le consulter, vu que celui-ci a toujours été ouvert à tout public.

— Rentre à la maison à toute vitesse et enlève tout ce que tu peux, privatise-le, mais dépêche-toi. Moi je suis coincé au boulot et je ne peux rien faire pour le moment, me dit-il.

Je fonce à la maison, mais c’est trop tard. Je supprime photo par photo. Je bloque à nouveau le compte. Je change même le nom du compte mais tous les curieux et tous les journalistes ont déjà pu regarder et copier les images qu’ils voulaient. Je suis abasourdie par cette médiatisation.

Par chance, ce sont les vacances scolaires et comme je travaille, mon fils de quinze ans, que j’appelle junior, est chez mes parents pendant la semaine. Je ne sais pas comment j’aurais pu gérer ce premier soir du drame en sa présence.

Une fois Vincent rentré à la maison, nous sommes horrifiés en découvrant les journaux en ligne, avec la peur au ventre de ce que l’on pourra encore découvrir. Énormément de journaux suisses et étrangers ont repris l’article du Blick et de la NZZ avec les images. Le sentiment de ne pas gérer les publications et d’être complètement livrés à la volonté des journalistes, à la recherche d’articles à sensations, est indescriptible. Cela s’est transformé en boule de neige ingérable. Un vrai cauchemar, pire qu’un film d’horreur. C’est inimaginable. Vincent et moi ne fermons pas l’oeil de la nuit.

Le lendemain, le nouvel article du Blick est encore pire que ce que l’on peut imaginer dans les mauvais scénarios. Je suis en première page du journal et les affichettes devant chaque kiosque de la ville mentionnent « la secrétaire porno du Palais fédéral » avec ma photo. Ils ont découvert que je n’ai pas un compte Twitter par hasard, mais que je tourne des vidéos porno amateur. Une trouvaille en or pour la presse à sensation. J’ai mal au ventre et envie de vomir en lisant ces lignes. Ces demi-vérités sur moi, qui sonnent si sales et surtout en montrant mes images privées à la vue de tout le monde. De lire les commentaires de haine sous l’article en ligne, des jugements de la part de personnes qui ne me connaissent pas, qui ne savent rien de ma vie et de la raison pour laquelle je fais tout ça. Je me sens agressée, harcelée et même violée dans mon intimité. Je n’ai rien demandé à personne et tout à coup je suis devenue le sujet de discussions dans toute la Suisse, ainsi que dans le monde entier.

Vincent est obligé de retourner au bureau, en faisant comme si de rien n’était face à tout ce remue-ménage médiatique. Il travaille depuis quinze ans dans la même entreprise et je connais très bien la plupart de ses collègues. En allant souvent le chercher à la sortie du bureau ou en l’attendant pour la pause de midi, tout le monde sait qui est sa femme. Je ne sais pas ce qui est le plus dur. Pour lui d’affronter le regard des autres sans savoir qui est au courant ou pour moi de devoir rester à la maison sans pouvoir rien faire.

Chapitre 2: Détruite par la presse de boulevard

Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais consulté la presse de boulevard. Cela ne m’a jamais intéressée et je croyais toujours que les médias ont pour but d’informer sur les choses vraiment importantes qui se passent dans le monde ou sur des petits ou grands scandales concernant des personnes connues, des politiciens, des stars, des célébrités. Où est l’intérêt de mettre en avant une petite secrétaire, une mère de famille banale ? Je ne comprends pas. De quel droit les médias s’acharnent-ils sur moi ?

C’est clair que je mène une double vie. Avec mon mari, nous publions des petites vidéos porno amateur, mais uniquement pour notre plaisir et celui des personnes qui suivent nos aventures. Nous sommes depuis des années des libertins très actifs. Vincent aime filmer nos rencontres avec d’autres libertins, et nous partageons ces films entièrement gratuitement, juste pour notre plaisir, sur des sites destinés à des vidéos d’amateurs, comme par exemple sur le site Jacquie et Michel.

J’ai aussi mon propre site avec un blog, dans lequel je raconte mes aventures, et parfois je donne des conseils ou je réponds à des questions. L’accès à mon site est entièrement gratuit et mon blog connaît un grand succès sûrement parce que je suis toujours restée une femme complètement normale, qui raconte aussi sa vie de tous les jours. Je compte plus de 30’000 visiteurs par mois sur mon site, 10’000 fans sur Facebook et presque 12’000 sur Twitter (c’est énorme en 2014). Jamais je n’ai eu l’intention de faire de l’argent avec ma passion. Je fais également toujours très attention de ne pas mélanger ma vie de libertine avec ma vie familiale et professionnelle. Je travaille d’une façon responsable, car je suis consciente que nos emplois à Vincent et à moi nous permettent de mener cette vie que l’on aime. En aucun cas je ne veux importuner quelqu’un de notre entourage et mon premier but a toujours été de protéger mon fils.

Pour moi, toutes ces aventures ne sont qu’un jeu amusant. Il s’agit de ma vie privée, de ma sexualité et de ma manière personnelle de vivre. Cela ne regarde personne d’autre, sauf ceux qui ont envie de suivre mes aventures libertines. De voir maintenant que l’on étale mon petit jardin secret publiquement me déchire intérieurement. Les journalistes n’ont aucune conscience, sauf de vendre des journaux. Ils ne se rendent pas compte qu’en mettant mon histoire sur la place publique, ils forcent des personnes à regarder mes photos, pour lesquelles elles n’étaient pas prévues. Quel est l’intérêt des journalistes de rendre cette histoire publique ?

Comme une louve qui protège ses petits, je sais maintenant que ma priorité absolue est de protéger mon fils de quinze ans. Je veux éviter à tout prix qu’il apprenne quoi que ce soit de cette affaire. J’appelle mes parents en disant que je prends spontanément quelques jours de congé, car je n’ai pas beaucoup de travail en ce moment. Mon fils est content que je le récupère en avance, d’autant plus que j’ai prévu plein d’activités avec lui. Mon but est de l’emmener loin des médias, des radios, des journaux, des télés.

Le premier jour je vais me promener avec lui sur le Gurten (la montagne au-dessus de Berne), puis on a rendez-vous à midi pour aller manger avec Vincent et le soir je regarde une vidéo qu’il aime bien. Les jours suivants je fais pareil. Je n’arrête pas de faire des promenades et des sorties avec lui, tout en observant le développement de l’affaire dans les médias. Ils ne cessent pas. Tous les jours je continue de faire la première page du Blick. Les journalistes sont devenus dingues.

Vendredi, en rentrant de ma sortie avec mon fils, je découvre une feuille collée sur la porte d’entrée. Je réussis à l’enlever avant que mon fils ne la remarque, mais elle est tellement grande que tout le voisinage a dû la voir. C’est de la part de la télé bernoise régionale qui demande si je n’ai pas envie de m’exprimer concernant cette affaire ? Je suis invitée à les rappeler. Imaginer la voiture ou pire une camionnette de la télé, certainement avec une publicité bien visible, s’arrêtant dans notre quartier familial et paisible pour mettre un billet à la vue de tout le monde, me fait bouillir. Je n’aurais jamais imaginé qu’ils aient le culot de faire ça. Est-ce que sur cette terre il y a un journaliste qui réfléchit aux conséquences de ses actes ? J’ai des doutes, et tout ça pour se cacher ensuite derrière un pseudo droit à l’information. Jamais un journaliste ne se pose la question de la conséquence de ses actes sur les personnes visées.

Le pire n’est pas encore arrivé car des journalistes ont même l’énorme intelligence de trouver où travaille Vincent, et de le contacter sur son lieu de travail, comme si ce n’est déjà pas assez difficile pour Vincent de s’y rendre tous les jours. Personne de son entourage professionnel ne lui a encore parlé en face de l’affaire et il continue de travailler comme si de rien n’était. Il est pourtant au courant qu’une rumeur circule dans les couloirs de l’entreprise. Il en souffre incroyablement mais essaye de faire bonne figure même si les journalistes le contactent à plusieurs reprises sur son mail professionnel.

Samedi matin, après quelques nuits presque blanches, nous sommes en train de déjeuner en famille quand quelqu’un sonne à la porte. C’est une jeune journaliste du Blick qui veut me poser des questions. Je n’en crois pas mes yeux. Le monde est devenu fou. Avec des sueurs froides dans le dos et le coeur qui bat à 200 à l’heure, mon unique souci est que mon fils ne remarque rien. À voix haute je lui coupe la parole :

— Non, nous n’achetons rien, nous ne sommes pas intéressés, merci beaucoup, et je lui claque la porte au nez.

En me retournant vers ma famille, je ris nerveusement en expliquant qu’il s’agissait d’une étudiante qui voulait vendre quelque chose. Je suis complètement sur les nerfs. Qu’est-ce qu’il peut encore arriver ?

Dimanche, j’ai promis à mes parents de les accompagner à un concours de chevaux au centre équestre de Berne. Vincent me déconseille de m’y rendre.

— Tu as été dans les journaux pendant plusieurs jours, et en te promenant tu cours vraiment le risque que l’on te reconnaisse et ça devant tes parents.

Il a raison. Surtout que les médias étrangers n’ont même pas pris le soin de flouter mon visage. Il me propose d’y aller à ma place. C’est une sacrée preuve d’amour qui lui coûte beaucoup d’énergie, surtout que dimanche matin un nouvel article dans un journal fait un résumé de toute l’histoire et parle aussi du rôle du mari de la « secrétaire porno », celui qui est derrière la caméra. Vu le développement des médias au cours de ces derniers jours, il a peur maintenant de risquer également sa place de travail. En allant aider mes parents, ceux-ci sont en revanche comme d’habitude, gentils, joyeux, reconnaissants du soutien de leur beau-fils.

Petite parenthèse : Jusqu’à aujourd’hui ils n’aborderont jamais le sujet. Est-ce qu’ils ont ignoré l’affaire ou ont-ils décidé de l’ignorer ? Je penche plutôt pour la seconde version, comme le reste de notre grande famille et de nos amis d’ailleurs. Personne ne nous a fait une remarque, personne ne nous a jugés, et nous avons gardé d’excellentes relations et des liens avec tout le monde. Rien n’a changé concernant les relations que l’on entretenait. Je suis tellement reconnaissante d’être entourée de personnes intelligentes et bienveillantes.

Nous en avons discuté bien évidemment avec nos amis libertins, qui étaient tous choqués du développement de l’affaire dans les journaux et désolés pour nous. Mais les plus désolés sont mes followers, qui n’arrêtent pas de demander où je suis passée. Il y en a qui sont vraiment désespérés.

Chapitre 3: Faire l’autruche

Comme technique de communication nous avons décidé, Vincent et moi, de faire l’autruche. Je reçois plein de demandes d’interviews de journaux et de chaînes de télévision car c’est le trou de l’été dans les médias et une histoire de fesses est la bienvenue. Tous les médias sont intéressés par ma version des faits mais en répondant aux demandes d’interviews, je rallumerais l’affaire et je ne désire qu’éteindre le feu. Bien sûr que j’aimerais, que j’ai besoin de m’expliquer, de raconter pourquoi je me suis exposée sur Internet, de raconter ma vraie histoire, de laver ma réputation de mère indigne ou de salope qui a été partiellement décrite sur la place publique. J’en ai très envie et en plus j’aurais pu faire un véritable buzz, profiter un maximum de cette situation pour me mettre en avant. Jamais dans ma vie je n’aurai plus d’attention ni une plate-forme de diffusion aussi grande. Peut-être que je l’aurais fait, si je ne tenais pas à mon fils, à mes parents, à ma famille, à mes amis. Je dois les protéger.

Dans l’immédiat, tout ce que je veux, c’est que l’on m’oublie et que l’herbe pousse sur cette affaire. Je veux que ma relation avec mon fils et mes parents n’en souffre pas, et je ne vois qu’une solution pour y parvenir, c’est de me taire, de me cacher, jusqu’à ce que les gens passent à autre chose. Je veux retrouver ma vie d’avant.

Vincent et moi sommes très proches, unis et complices. Nous l’avons toujours été et toutes les aventures que nous avons vécues, nous les avons réalisées ensemble. C’est une force et une chance que cette mésaventure n’ait pas brisé notre couple également.

Chapitre 4: Protéger ma famille, continuer de vivre

Lundi matin l’école recommence. J’espère tellement que les ados ont d’autres intérêts et ne se sont pas trop préoccupés des nouvelles sensations des derniers jours dans la presse. En tout cas, je n’entends rien de la part de mon fils, qui se comporte comme d’habitude. J’ai toujours eu une excellente relation avec lui et là rien n’a changé. Est-ce que, pour une fois, son caractère de rêveur est un avantage ? Je suis décidée à ne rien laisser transparaître et à ne pas thématiser quoi que ce soit.

En attendant des nouvelles de la part des Services du Parlement, je décide de faire semblant d’aller travailler. C’est la seule solution afin que mon fils n’ait pas le moindre soupçon concernant un changement professionnel dans ma vie. Je me lève chaque matin, je me prépare, je quitte la maison en même temps que mon fils quand il part à l’école, en faisant semblant de me rendre au bureau. Une fois qu’il est hors de vue, je fais demi-tour pour me faufiler en douce à la maison, avec la peur au ventre d’être découverte par les voisins ou par mon fils, si jamais il avait oublié quelque chose à la maison. C’est dur à supporter. Dans la salle de bains, pendant que je me maquille et que je m’habille alors que personne ne m’attend au bureau, je dois me battrepour ne pas craquer.

Le seul retour étrange que j’ai de la part de mes connaissances, dans le village où j’habite, vient de la mère d’un camarade de mon fils, chez lequel il va manger à midi une fois par semaine. En avançant une excuse bidon, elle m’explique que ça ne sera plus possible qu’il vienne manger chez elle. Bon, il a quinze ans, ce n’est pas la fin du monde car il a l’âge de se débrouiller seul à midi mais c’est son meilleur ami et il fréquente la famille depuis le jardin d’enfants. Pourquoi le punir alors que ce n’est pas sa faute ? Peut-être que je me trompe, et qu’il y a vraiment une autre raison pour cette décision.

Une de mes voisines me dit juste en me croisant qu’on devrait se revoir pour un apéro et me demande comment ça va, puisque « vous venez de traverser une phase turbulente, n’est-ce pas ». Je ne réagis pas à cette remarque et je fais semblant de ne pas entendre ou comprendre. Comment pourrais-je réagir autrement ? Entamer une discussion sur le sujet avec des explications ? Selon moi, elle est juste curieuse et aurait des informations croustillantes à raconter sur le sujet. Je ne veux juste pas aborder le sujet avec elle. Je suis toujours dans la tactique de l’autruche. D’ailleurs, à ce jour nous ne nous sommes jamais revues pour ce fameux apéro.

À suivre …

Adeline Lafouine
administrator

Related Articles

5 Comments

  • Mathis2020
    Mathis2020 , 08/07/2023 @ 19h22

    J’ai acheté le livre
    Beaucoup de choses à découvrir sur le parcours et la vie d’Adeline
    Je recommande un très bon livre et une bonne lecture pour l’été

    • Adeline Lafouine
      Adeline Lafouine , 09/07/2023 @ 9h52

      Merci Mathis!

  • Avatar
    poli , 08/07/2023 @ 22h24

    J’ai en image,la vidéo ou vincent te filme en train de…pleurer…et ouai..comme quoi..que dire,que faire?…rien..qui est responsable?…jamais et “vous”le savez je me prononcerait sur ce sujet teeellement délicat.. dsl…pas évident aussi..comprehension envers tes proches qui l’ont appris?!!!
    Bref…quoiqu’il en soit..restez comme vous ètes,avant tout..vraiment pas évident quand on voit le visuel à porté de tous niveau réseaux,sites,ect..
    Régis..Andréa..
    Perso?vous êtes magique de bonheur!!!!!ooooh que oui..

  • jafar68
    jafar68 , 09/07/2023 @ 19h06

    A wonderful 💥summer surprise💥💥💥💥💥
    Thanks somuch 🎩🎩

  • Avatar
    heinnapp , 10/07/2023 @ 12h21

    I bought this book, too (the German version)… and I agree with Mathis: great reading 👍, well written, and both very informative AND entertaining… it covers an unusually broad range of subjects and provides unusually candid glimpses into Adeline’s (not always easy) life & her development into a truly liberated & libertine woman ❤️‍🔥, as well as unique insider-BTS looks into the swinger & porn scene 😈

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Le contenu est protégé !!
X