“Fais-le bien, et laisse dire” (proverbe suisse) – Partie 1: Chapitres 5 à 8

C’est l’été ! Si tu as l’occasion de prendre des vacances, tu auras sûrement l’occasion de lire.

Durant l’été, je publie chaque semaine 4 chapitres de mon autobiographie “Fais-le bien, et laisse dire”, qui est sortie en avril 2020 aux Éditions Tabou.

Plonge dans l’univers captivant de mon livre “Fais-le bien, et laisse dire”:

Quand un journaliste a déclenché l’avalanche médiatique autour de ma personne en août 2014, j’ai vécu des moments très difficile. Il a amené ma vie secrète sur la place publique, alors qu’elle n’était destinée qu’à un public averti.

Pour protéger mon fils, ma famille, mes proches, j’ai décidé de faire l’autruche et de ne répondre à aucune demande d’interview pour raconter ma version des faits. C’était la seule et meilleure solution pour continuer de vivre. En même temps j’étais malheureuse durant ces années, car j’aurais eu envie de répondre à toutes ces personnes qui m’ont jugé sans me connaître et surtout défendre ma liberté d’être moi-même.

Aujourd’hui mon fils est adulte et mène sa propre vie. Cette histoire n’a plus le même impact sur lui. J’ai donc décidé d’enfin être libre et de raconter toute la vérité sur ma vie.

La première partie du livre raconte comment j’ai vécu l’histoire déclenchée par mon tweet sexy depuis ma place de travail, comment j’ai géré la situation et comment je m’en suis sortie.

La deuxième partie raconte ma vie de libertine que je mène depuis que j’ai vingt ans. J’ai déjà eu des retours des premiers lecteurs, notamment de lectrices, que certaines scènes de mes aventures que je raconte seraient trop dures, voir choquantes.

Je suis consciente que mes pratiques ne sont pas communes et peuvent interpeller. Est-ce que j’aurais dû écrire une version soft et/ou zapper certains passages ? Peut-être. Mais en même temps, cela aurait faussé mon histoire. Cela fait partie de ma personne, de ma nature. D’un côté, je suis cette employée sage, une maman poule, une femme joyeuse qui adore rire et qui ne se prend pas au sérieux, mais cela ne m’empêche pas d’avoir des fantasmes très hard et des envies qui virent dans le masochisme. J’avais justement envie de montrer ces côtés de moi et démontrer qu’être une maman douce et aimante n’empêche pas de vivre ses fantasmes sexuels. Le BDSM n’est pas uniquement réservé à des personnages d’un cercle fermé « underground».

Pour moi, défendre le droit des femmes, c’est aussi ça. Encore trop de gens ont tendance à penser que « ça ne se fait pas en tant que mère de famille ». Est-ce que les femmes perdent le droit de vivre une vie sexuelle hors norme dès le mariage ou l’accouchement ? Non, je ne le crois pas.

 – PARTIE 1 –

LA SECRÉTAIRE PORNO DU PALAIS FÉDÉRAL

Chapitre 5: Séparation à l’amiable

Les Services du Parlement me proposent après quelques jours un compromis, une séparation à l’amiable avec un salaire assuré pendant cinq mois, mais tout ce que je désire c’est retourner au bureau, retrouver mon travail et mes collègues. Il me semble qu’en reprenant le travail, tout pourrait redevenir comme avant. Je tiens tellement à mon poste car je suis si fière de travailler pour le Parlement suisse. Jamais je n’ai voulu nuire à mon employeur et le fameux tweet, qui a déclenché toute l’affaire, je ne l’ai pas fait dans les locaux du Palais fédéral, mais dans mon bureau, dans l’aile ouest. C’était juste un acte spontané et irréfléchi.

Toutes ces dernières années, j’étais absolument consciente du risque que l’on découvre mes activités libertines mais je me suis dit qu’au cas où, il s’agissait de ma vie privée et que ça ne regardait personne. Que si quelqu’un de mon entourage était tombé sur mon site ou sur mes comptes Facebook ou Twitter, je pouvais parfaitement assumer ce côté de ma personnalité. J’y avais réfléchi et j’avais discuté avec Vincent de cette possibilité et de la façon dont j’aurais réagi. J’étais sûre que tant que mes activités libertines n’avaient aucune influence négative sur mon travail, personne ne pourrait m’accuser de quoi que ce soit, étant donné qu’il s’agissait de ma vie privée.

Jamais je n’ai pensé au risque que des médias puissent s’intéresser à moi. Je ne suis ni connue, ni influente, ni dans une position professionnelle avec des responsabilités. Quand j’ai débuté sur Internet, l’influence des médias sociaux était moins grande qu’en 2014 et je me suis placée dans un petit coin très spécifique, l’érotisme, qui n’a jamais été très populaire auprès du grand public. C’est resté toujours un coin assez discret, pour ceux qui consomment et pour ceux qui s’exposent, étant donné que l’on est d’une manière ou d’une autre dans le même bateau. Il y a également la langue qui me sert de séparation entre mes deux vies. Toutes mes aventures libertines, mes vidéos, mon blog et mes médias sociaux sur Internet sont en français, pendant que ma langue maternelle et la langue principale de Berne est le suisse allemand. Je suis surtout reconnue en Suisse romande et en France. Il m’est arrivé de me faire aborder à Berne, mais c’est rare.

J’écris un long mail au secrétaire général du Parlement, dans lequel je m’excuse platement. Je lui confirme que j’ai supprimé sur Internet tout ce qui est possible et que je ne recommencerai plus à publier quoi que ce soit, que je saurai me faire oublier et que je ferai tout pour rétablir l’ordre, en espérant qu’il me donne une seconde chance.

Chapitre 6: Je me bats pour garder ma place de travail

Une de mes copines de bureau m’envoie une énorme boîte de chocolats et un mot très gentil à la maison. Je m’effondre en larmes car ça me touche énormément. Je lui écris par message que je veux plus que tout retourner au bureau, et là sa réponse me surprend :

— Tu as vraiment envie de te confronter à ça ? Tu ne t’imagines pas ce qu’il se passe ici. Il y a tellement d’hypocrites. Je réfléchirais à deux fois avant de revenir.

Pour moi tout le monde me connaît et tout le monde m’a toujours appréciée. Je m’en fous. Je veux retourner travailler, même si je dois subir toute la haine du monde de la part des autres.

Un des secrétaires des commissions me communique par mail l’adresse de l’association du personnel de la Confédération helvétique dont il fait partie, et me conseille de contacter la secrétaire générale. Elle pourra certainement m’aider à trouver une solution acceptable avec les Services du Parlement, et surtout m’aider à ne pas perdre ma place. Je deviens membre de l’association en payant la cotisation annuelle, afin d’obtenir un rendez-vous avec cette personne. Dans le bureau de la secrétaire générale, nous avons une très bonne discussion. Je lui raconte tout de A à Z et elle m’assure que je n’ai pas mérité de perdre ma place. Je dois recevoir un avertissement, mais que toute autre action est complètement exagérée dans cette situation. En sortant de son bureau, je suis positive, motivée et remplie d’espoir. Elle me promet d’organiser un entretien avec la direction des Services du Parlement et qu’elle défendra officiellement mes droits. Elle semble sûre d’elle :

— Ensemble nous trouverons la bonne solution.

Le jour de l’entretien, j’ai honte de me présenter comme une étrangère à la loge, car on m’a retiré mon badge le jour de la parution de l’article, et d’attendre qu’on vienne me chercher pour me guider dans le bureau de la secrétaire générale adjointe. L’ambiance est très lourde et difficile à supporter, même si la cheffe du domaine des ressources humaines est très gentille avec moi. Je suis quand même soulagée qu’aucun de mes anciens collègues ne m’ait vue arriver.

La secrétaire générale de l’association du personnel est arrivée avant moi et s’est déjà entretenue avec les deux femmes représentant les Services du Parlement. Je sens tout de suite en entrant que l’ambiance a changé. On m’explique encore une fois que les Services du Parlement tiennent à leur proposition : Séparation à l’amiable avec cinq mois de salaire. Si je n’accepte pas, ils me licencient par voie normale et j’aurai droit uniquement à trois mois de salaire, selon mon contrat de travail.

À ce moment-là, la secrétaire générale de l’association du personnel qui aurait dû prendre ma défense, me regarde et me dit que le mieux serait d’accepter.

— Vous m’avez parlé de vidéos libertines amateur, mais on m’a montré avant l’entretien de quoi il s’agissait. Nous ne parlons plus de petits films privés, mais de scènes hards.

Je lui aurais caché la vérité et elle ne peut rien faire pour moi. Je suis, une fois de plus, choquée et j’en perds complètement la parole.

Elles se permettent d’aller chercher les quelques vidéos qui traînent toujours sur Internet, et que je ne pourrai jamais supprimer parce qu’elles ont été volées sur mon site, pour les consulter et me juger. Lors de notre entretien de préparation, je ne lui ai jamais rien caché. Je lui ai raconté avec franchise toute la vérité sur mon histoire, et naïve comme je suis, je me suis sentie libérée de l’avoir fait. Je lui ai fait confiance quand elle m’a dit qu’elle me soutiendrait. Je me sens à nouveau trahie et me rends compte à ce moment-là que les esprits ne sont pas prêts à accepter une femme avec une sexualité libérée comme la mienne. Je me sens également trahie car la secrétaire générale de l’association du personnel a été interviewée, sans mon accord, sur cette affaire par la télévision suisse en connaissant ma version des faits.

Trahie par mon « avocate », je signe finalement le document de résiliation à l’amiable de mon contrat et je me fais raccompagner à la porte. Mes derniers espoirs de retrouver mon poste de travail et avec celui-ci ma fierté et ma vie d’avant s’effondrent devant la porte du Palais fédéral, qui se ferme à jamais pour moi. Après plus de deux ans d’investissement personnel dans mon travail, où je ne manquais jamais à l’appel, où j’étais toujours prête à donner encore plus pour remplacer mes collègues absentes. Les Services du Parlement me laissent tomber devant la pression médiatique. Je suis sûre qu’ils ont la possibilité de réagir autrement, de me soutenir, de se battre pour moi. Finalement, la principale victime c’est moi.

La cheffe du domaine des ressources humaines m’a conseillé de déposer plainte contre la NZZ et le Blick. Elle a sûrement raison et je réfléchis à cette proposition car jusqu’où va le droit à l’information ? Est-ce que mon affaire est effectivement un droit à l’information ? Est-ce que la liberté de la presse a le droit d’attaquer ma vie privée ? Est-ce que la presse a le droit de s’en prendre à une personne privée qui n’a pas de devoirs publics, politiques ou d’autres responsabilités envers la communauté ? Est-ce que la presse a le droit de ruiner la vie d’une employée et mère de famille, uniquement pour remplir les pages d’un journal ? La presse gagne surtout de l’argent avec la vente de journaux et de publicité sur le dos de personnes qu’elle détruit. Est-ce que la liberté de la presse équivaut juste à faire vendre un journal, augmenter son chiffre d’affaires, en détruisant des vies, et en ayant bonne conscience en se cachant derrière ces quatre mots : « liberté de la presse » ?

Chapitre 7: Faire semblant

Je continue de faire semblant d’aller travailler le matin. Pour me faciliter la vie et afin que mon fils profite de ma présence forcée à la maison, je lui annonce que j’ai décidé de travailler à mi-temps, ce qui me permet d’être à la maison à midi et de manger avec lui. Je justifie cette mesure en lui disant que j’ai actuellement moins de travail aux Services du Parlement. Je crois qu’il ne se pose pas trop de questions et qu’il est plutôt content de me retrouver à la maison tous les midis.

Pendant toute cette période turbulente, je prends soin de l’éloigner des médias, surtout le jour où les journaux annoncent la décision du compromis de séparation d’avec mon employeur. Les Services du Parlement me préviennent qu’ils vont informer les médias. Ce jour-là j’accompagne mon fils en voiture à l’école, en disant que je vais travailler exceptionnellement en voiture et que je peux le déposer. Il risque sinon de passer devant la caissette de journaux gratuits devant la gare, et ce matin il y a effectivement un article dans les journaux qui annonce la résiliation à l’amiable de mon contrat

de travail. Il semble que ma situation soit décidément très intéressante. Comment m’en sortir ? Certains jours je ne le sais pas vraiment. J’ai tellement peur pour mon fils car je veux qu’il vive son adolescence à son rythme.

Je profite d’avoir assez de temps pour monter à cheval, faire du jogging ou m’occuper du ménage mais je me sens incroyablement vide et inutile. À part le fait que mon travail me manque, il y a aussi mon site et mes comptes Facebook et Twitter qui me manquent. C’est un énorme trou dans ma vie. Une grande partie de moi s’identifiait à travers mon personnage libertin. J’entretenais des contacts intéressants et réguliers avec les internautes. J’avais un plaisir fou à écrire mon blog, qui était mon journal intime public, érotique. Mon site était mon dada, mon deuxième bébé. J’en étais fière et j’ai passé énormément de temps pour le rendre encore plus joli et plus attrayant. C’était mon œuvre d’art. Pendant de longues phases je me sentais plus Adeline que M***. Adeline prenait de plus en plus le dessus. J’ai l’impression que l’on a tué Adeline, et avec elle également une partie de moi.

C’est à ce moment-là que je commence à boire. Pas tous les jours, mais très souvent. Je vide une bouteille entière pendant l’après-midi pour noyer mes soucis. L’effet de l’alcool me fait oublier mon mal-être. Du coup, je ne pense pas être alcoolique ou malade. Je le vois comme un droit, une aide pour me consoler. Je reste toujours fonctionnelle et saine d’esprit. Je ne finis jamais complètement saoule. Personne ne s’en aperçoit, même pas Vincent.

Un samedi, nous marchons jusqu’au Bantiger, la petite montagne derrière notre village. Sur cette colline il y a une tour de télévision, sur laquelle on peut monter au moyen d’un escalier vertigineux. Une fois en haut de la tour, il y a une passerelle d’observation mais aussi

le vide après la petite barrière de protection. Une pensée me traverse l’esprit : « Si je saute, les journalistes auront enfin quelque chose de vraiment intéressant à écrire. Je pourrais sauter car finalement ma vie ne vaut plus rien, je ne suis plus rien, je n’ai plus rien. Ils pourraient s’arracher les titres et il y aurait enfin un peu de vérité dans leurs articles. Ça serait ma vengeance. Est-ce qu’ils auraient une mauvaise conscience ? Ma famille serait libérée de moi, du poids qu’ils subissent à cause de moi. Peut-être que ça serait mieux pour tout le monde ? ». Mais au même moment je pense à mon fils. Si je ne suis plus là, qui le protégera ? Si je saute, c’est comme pour les interviews que j’évite, un vrai cadeau pour les requins de journalistes. Ça ne ferait que de relancer mon histoire, et sûrement empirer les choses pour ma famille.

Je retourne donc chez les deux hommes de ma vie. Cette parenthèse au bord du vide, et le fait que j’y ai pensé, me travaille encore très longtemps.

Le jour inévitable d’aller récupérer mes affaires au bureau est arrivé. Ma copine de bureau m’a tout préparé, mes petites décorations, mes stylos privés et ma machine à café. C’est très bizarre de retourner dans mon bureau de l’aile ouest du Palais fédéral. Cela me semble à la fois si présent et si lointain. Toutes les secrétaires viennent boire un café avec moi. L’ambiance est joyeuse, mais je ne me sens déjà plus l’une des leurs. Je ne suis plus à ma place. D’ailleurs je ne sais toujours pas qui m’a soutenu et qui a inventé des histoires derrière mon dos, et je suis soulagée de pouvoir repartir après une petite demi-heure.

Chapitre 8: D’autres scandales politico-sexuels tombent à point

Peu de temps après mon histoire, deux scandales politico-sexuels me sauvent, d’une certaine manière, ou en tout cas attirent l’attention de la presse.

 

L’une des affaires concerne un maire d’une grande ville suisse, qui a envoyé depuis son bureau des selfies de nus à sa maîtresse. L’autre affaire est une conseillère cantonale qui a accusé de viol un collègue du Parlement cantonal après une soirée arrosée.

 

Je ressens une sorte de soulagement. Ces personnes-là réagissent, contrairement à moi, aux accusations. Ils prennent la parole et répondent aux questions des journalistes. Plus ils essayent de se défendre, plus les journaux ont de nouveaux arguments pour écrire leurs articles. Les journalistes interrogent ensuite des témoins, la famille, les collègues. Tout le monde est interrogé et cité. Mon sentiment n’est certainement pas très correct, mais je ne peux pas m’empêcher d’être contente et pire, d’espérer tous les jours qu’ils continuent de se battre publiquement et de faire parler d’eux, afin que mon affaire soit encore plus vite oubliée.

 

De voir ces batailles dans la presse me confirme que j’ai eu raison de me taire et de faire l’autruche.

À suivre …

Adeline Lafouine
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5 Comments

  • Avatar
    poli , 17/07/2023 @ 11h36

    Quand je pense qu’avec la.miss nous allions souvent à Berne(ville magnofique en passant!!)manger constament juste en face,à l’entrecôte fedérale..haaa..sa viande,ces frites paille et sa samade sublimement assaisonnée..entre 2012 et..2014!!!😉..
    Régis..et Andréa..

  • Avatar
    P04011937h , 24/07/2023 @ 19h36

    avons bien lu et tu en a du en baver . Mais tu es bien maintenant ,fais ce qui te plait .Tu es un amour de femme .Merci

    • Adeline Lafouine
      Adeline Lafouine , 25/07/2023 @ 8h26

      ❣️

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    HUGUES PALLUCE , 24/07/2023 @ 19h38

    Tu es une femme exceptionnelle ,de force de courage .Tu en a bavé mais le résultat est la ,tu es libre et fais ce qu’il te plait
    Tes admirateurs Marie et Serge de Besançon

    • Adeline Lafouine
      Adeline Lafouine , 25/07/2023 @ 8h26

      Merci à vous 2. Gros bisous 😘😘

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