J’ai eu l’honneur d’être invitée en novembre 2023 par une confrérie étudiante en Suisse pour donner une conférence sur mon parcours de vie hors du commun et le porno en général en 2023.
Découvre un aperçu de la conférence, qui était un challenge enrichissant et intéressant pour moi.
Quand on me contacte pour une conférence, je pense tout de suite à une blague ou à une approche originale pour une rencontre libertine mais après quelques échanges de mails, je constate que la confrérie a réellement cette idée originale de m’inviter pour parler de mon parcours et de la pornographie en général.
Plus la date approche, plus je ne suis plus sûre de vouloir me produire devant un public lamba. Vous pourriez penser que c’est bizarre venant d’une personne qui se montre nue à des millions de personnes dans des vidéos pornographiques, mais je vous assure que c’est le cas. J’aurais moins de problèmes à me mettre nue devant le public, que de devoir parler, mais je ne vais pas le faire !
Bio rapide
Je suis née en 1977 dans la campagne emmentaloise. J’ai 46 ans. J’ai grandi entourée de vaches, de chevaux et de chats dans une famille simple et aimante. Je suis très innocente, fleur bleue et longtemps ma passion est l’équitation ou d’autres hobbys, plutôt que les garçons.
Après l’école et un apprentissage commercial, je n’en fais qu’à ma tête et je pars commencer un second apprentissage comme écuyère au centre équestre national de Berne. C’est là que je rencontre mon mari Vincent, qui partage ma vie depuis 26 ans.
Vincent
À vingt ans, je ne connais absolument rien aux différentes pratiques sexuelles. Je ne sais même pas qu’une femme peut se raser la chatte et encore moins concernant la sodomie. Les réseaux sociaux actuels n’existent pas encore en 1997.
Vincent a déjà de l’expérience dans le libertinage et m’en parle de suite. Je suis tout de suite très intéressée et ouverte à cette idée.
En 1997, ce sont les débuts de l’internet moderne et pour nos premières rencontres libertines il faut créer une adresse mail. En réfléchissant à des pseudonymes pas très originaux, un des deux chats, que nous venons d’adopter, vient nous tenir compagnie. Il s’appelle Lafouine. D’où ce pseudo depuis 26 ans, pas très glamour peut-être, mais qui est devenue une marque déposée. Si jamais, le chanteur/rappeur est venu après. Je pense donc qu’il était fan de moi 😜
Je découvre mon corps et le libertinage au fur et à mesure de nos premières rencontres libertines avec des femmes, des couples ou des hommes seuls. Je ne vais pas entrer dans le détail car tu découvres tout ça dans le livre que j’ai écrit (Fais-le bien, et laisse dire).
Vincent a toujours eu une préférence d’être observateur de nos rencontres. Dans le libertinage, on appelle ça être «candauliste». Il commence à immortaliser mes aventures sexuelles en photos et en vidéos. Pourquoi les garder seulement pour nous ?
Premières publications, Jacquie et Michel
À l’époque c’est le début du site “Jacquie et Michel” et son célèbre slogan « Merci qui? ». À ses débuts le site sert de plateforme sur laquelle les amateurs peuvent publier leurs vidéos. Nous publions nos vidéos gratuitement, par passion, juste pour le plaisir de partager nos aventures. La qualité de nos films fait que chaque film est vu plusieurs millions de fois. On est précurseur dans le milieu en créant dans les années 2000 le format «Petit intro / rencontre filmée / débriefing».
Dans le même temps je crée mon site privé entièrement gratuit, sur lequel je raconte mes rencontres dans un blog et où je publie mes vidéos. Cela m’attirera pas mal de jalousie avec les actrices pornographiques, car ce qu’elles font en étant payées, je le fais gratuitement par passion.
Double vie
Mon site est gratuit car je mène une double vie. D’un côté j’ai ma vie de libertine assumée et de l’autre côté je suis maman, secrétaire du parlement suisse, je donne des leçons de voltige équestre, je pratique l’équitation et j’ai une vie rangée avec un mari, une maison, un chat, une superbe relation avec ma famille.
Même si chacune de mes vidéos est vue plusieurs millions de fois sur internet et que l’on me reconnait dans la rue, je suis persuadée qu’il y a une différence entre ma vie privée et mon temps-libre.
Scandale
J’ai complètement sous-estimé l’impact d’internet, même à l’époque.
Tout roule parfaitement pour moi. J’adore ma petite notoriété et je suis fière de mon travail au Palais fédéral jusqu’au mercredi 6 août 2014, jour que je n’oublierai jamais.
Un article parait dans la presse suisse allemande. À la suite d’un tweet sexy que j’ai fait dans mon bureau du Palais fédéral – le lieu n’est ni reconnaissable ni mentionné -, un journaliste me reconnait et aborde le sujet dans la NZZ, un quotidien suisse allemand. En même temps c’est du pain béni pour le Blick, autre quotidien suisse-allemand spécialisé dans les articles scandaleux, qui peut meubler la pause estivale. Les journalistes découvrent que je suis très active dans le porno amateur et ça déclenche une vraie avalanche médiatique en Suisse.
Les journées qui suivent se transforment en cauchemar. Les journalistes me harcèlent à la maison, ils harcèlent Vincent à son travail. Ils veulent tous un interview, un feedback de ma part, ma version des faits. J’aurais tellement envie de leur raconter MA vérité, mais je préfère me taire pour protéger mes proches. Afin de protéger mon fils qui a 16 ans à l’époque, je me défends comme une lionne.
Les services du Parlement m’invitent à quitter mon travail. Ils n’oseraient pas me licencier, car il n’y a pas de faute professionnelle de ma part, mais ils cèdent face à la pression médiatique. C’est un autre sujet intéressant qui pourrait meubler toute une soirée. Jusqu’où va le droit à l’information ? Jusqu’à quel point la presse a le droit d’informer le public sur la vie d’une personne privée, qui n’a rien fait de mal ? Le comité éthique de la NZZ a tranché, mais trop tard pour moi. Le journaliste qui a écrit l’article a été licencié, car cet article n’aurait jamais dû être publié !
Par miracle mon fils ne remarque rien de la tempête médiatique. Je l’éloigne de tous les journaux et de la télé. Je fais semblant de continuer d’aller travailler pendant de longs mois. Je quitte la maison le matin comme pour aller travailler et je fais demi-tour pour rentrer à la maison une fois que mon fils est à l’école. C’est comme dans un film hollywoodien. Je change même de nom de famille en reprenant mon nom de jeune fille pour retrouver du travail.
Internet et les réseaux sociaux ? Je les ai quitté en moins d’une demi-heure après la publication du premier article dans la presse. Je pourrais profiter de la situation pour faire un maximum de buzz ou pour faire parler de moi. Le moment serait parfait, mais je décide de faire l’autruche, de disparaître d’internet et de protéger ma famille.
Je mène une vie cachée. Je retrouve du travail comme assistante de direction pour une conférence intercantonale. Je continue discrètement ma vie de libertine. On continue de me reconnaître dans la rue et les journalistes essayent (toujours) d’obtenir une réaction de ma part.
Je quitte la Suisse
J’ai une famille géniale, des amis extraordinaires, on voyage beaucoup, pourtant quelque chose me manque. Je souffre de ne plus avoir la liberté de faire ce que j’ai envie de faire, de ne plus vivre ma passion, de devoir me cacher.
Un samedi de novembre 2018, on est avec Vincent à l’apéro dans le sud de la France et on se dit que la vie est trop courte. Pourquoi ne pas faire une folie? Vincent est d’accord avec moi pour quitter la Suisse, nos emplois sûrs et stables, notre maison, notre famille, pour retrouver notre liberté d’expression. On a le soutien de nos enfants, ce qui est le plus important pour nous.
En mai 2019, je quitte la Suisse pour m’installer dans le sud de la France. En arrivant je n’envisage pas de me lancer dans la pornographie. Mon projet est avant tout de sortir mon livre. Pour moi c’est important de raconter MA vérité sur l’affaire d’août 2014.
Retour sur internet et début dans le Porno
Une fois installée en France je suis libre. Je me remets sur les réseaux sociaux et je crée un nouveau site internet. Je suis rapidement contacté par d’anciennes connaissances du milieu de la pornographie qui sont enchantés de me retrouver.
Pour marquer ma liberté d’expression retrouvée j’ai très envie de refaire une vidéo pour Jacquie et Michel et je participe à plusieurs vidéos. Jacquie et Michel fait même la promotion de mon livre dans ces vidéos.
Un réalisateur que je connais de mon passé de libertine me demande également de tourner des scènes professionnelles pour des plateformes françaises. Dans le passé j’ai toujours refusé le pas vers le côté professionnel de la pornographie. Je voulais différencier le côté libertin et le côté professionnel pour protéger ma vie privée. Maintenant que j’ai cette liberté, je profite de faire cette expérience, tout en continuant de filmer nos rencontres libertines et de les publier toujours « gratuitement » sur mon site.
Onlyfans
Début 2020, juste avant la Covid, je me lance sur Onlyfans. Je remarque rapidement que cela fonctionne très bien. Au début, cela me gêne de demander de l’argent pour mes vidéos, car jusqu’à présent j’avais l’habitude de les partager juste pour le plaisir.
Je comprends rapidement que c’est normal de recevoir une rémunération en contrepartie de mon travail. Réaliser une vidéo, la monter, la couper, flouter les visages pour garantir l’anonymat de mes partenaires est un travail de plusieurs heures par jour.
L’explosion d’Onlyfans et de Mym
Pendant la Covid, des sites comme Onlyfans ou Mym deviennent de plus en plus connus. Ce sont des sites, où l’on peut poster des photos et des vidéos, et avoir des abonnés payants. Tant les actrices professionnelles, que des personnes de la vie de tous les jours, anonymes ou non, postent leurs photos ou vidéos contre rémunération. C’est un phénomène de société, où tout le monde peut gagner de l’argent de poche ou sa vie avec le sexe.
Beaucoup d’actrices et d’acteurs ont découvert que c’est une façon très rentable de vendre leurs contenus, et souvent même plus rentable que de se faire engager par une production. En plus les contenus peuvent être réalisés depuis chez soi.
Collaborations
Aujourd’hui souvent les actrices, acteurs ou amateurs font des collaborations sans passer par une production. Une collaboration se fait à la maison, dans un hôtel ou un AirBnb. On tourne des scènes ensemble et chacun repart avec les vidéos qu’il publie ou vend sur ses plateformes. Il n’y a plus de production en intermédiaire, sauf les plateformes (comme Onlyfans, Mym, …) qui prennent environ 20% des revenus, ce qui correspond à la mise à disposition de la plateforme et de l’encaissement.
D’autres actrices font du contenu en faisant croire qu’elles tournent des vidéos amateurs avec le plombier, le livreur, des libertins, alors que c’est toujours leur mari/compagnon qui tourne avec elle. La plupart des actrices ne sont pas libertines, mais juste en couple.
Une actrice porno n’est pas forcément libertine. Le libertinage c’est quand tu aimes le sexe par plaisir et non que tu aimes le sexe pour l’argent !
Amatrices
La mode a été vite reprise par des amatrices, surtout en France. Le fait de gagner rapidement et facilement de l’argent avec les sites comme Onlyfans ou Mym a (rapidement) convaincu beaucoup de jeunes femmes de s’y mettre. Le gâteau n’est pas extensible et les parts sont devenus plus petites, surtout pour les anonymes. Pour gagner sa vie il faut faire preuve d’originalité, trouver son style, travailler quotidiennement pour faire vivre ses plateformes.
J’ai lu un article sur Onlyfans qui fait croire qu’il suffit de publier une photo par jour pour gagner des milliers de francs par mois. Cela m’a bien fait rire, car il faut beaucoup plus que de poster des photos, évidemment. Le phénomène de société commence déjà par s’essouffler pour pleins de jeunes femmes qui se voyaient déjà riche, mais en plus elles ont maintenant leur image qui trainera à vie sur internet.
On parle très souvent d’amatrices mais pour moi c’est trompeur, car dès que l’on gagne de l’argent avec une activité, on devient professionnelle. On est amatrice que quand on le fait juste par plaisir, juste pour le fun. Dès que tu as un compte Onlyfans ou Mym, tu n’es plus “amateur”.
La plupart des productions professionnelles ont de la peine à survivre à ce phénomène et sont vouées à disparaître à moyen terme.
Revenus
Le travail paie et plus tu t’investis dans ton métier, plus le succès est au rendez-vous.
Aujourd’hui je suis présente sur de nombreuses plateformes identiques à Onlyfans, ainsi que sur mon propre site qui a une partie payante. Nous sommes 3 personnes à travailler 7 jours sur 7 pour alimenter et entretenir mes plateformes.
Je vis aujourd’hui de mes aventures sexuelles. Je ne l’ai jamais cherché, mais c’est une chance de pouvoir vivre de sa passion. Et même si je travaille 7 jours sur 7, cela me permet de voyager dans toute l’Europe pour créer mes contenus et organiser mon emploi du temps comme je l’entends.
Rencontres libertines
Je préfère tourner mes propres vidéos avec des amateurs et des libertins.
Récemment quelqu’un m’a demandé la différence entre les vidéos amateurs et les vidéos professionnelles. La différence principale est que pendant mes rencontres libertines filmées il n’y a pas de directives. Je ne vais pas intervenir ou demander des pratiques, des positions, etc. On peut imaginer ensemble un scénario, mais c’est en mode freelance. On baise, on s’amuse. Il n’y a pas de coupures, pas de pauses, pas d’instructions.
Pour une vidéo professionnelle d’une production, tout est organisé. Les acteurs bandent sur commande. On stoppe, on recommence. On doit tenir les positions, changer de positions sur commande. C’est plutôt une performance sportive que du plaisir.
L’envers du porno
En 2023 la majorité des consommateurs de pornographie désirent voir des choses « hors norme ». Les pratiques sexuelles ont changé en conséquence.
Quand j’ai réalisé mon premier fist anal il y a quinze ans, c’était quelque chose d’incroyable. Aujourd’hui, un fist anal est devenu une pratique (presque) normale. Si on veut marquer les esprits, il ne faut pas une, mais deux mains dans le cul. Une double pénétration anale est pratiquement devenue la normalité.
J’ai arrêté de réaliser des scènes pour des productions françaises, car j’ai vu que ce n’est pas mon monde. J’adore trop le sexe et je n’ai pas envie de faire semblant. Je me rends donc à Prague, qui est la capitale pour des scènes + hards. Je tourne là-bas principalement pour Legalporno, un site mondialement connu, qui publie des scènes pour un public averti.
Ce sont des scènes qui correspondent à mon univers et (surtout) mes envies. Je suis spécialisée dans les pénétrations anales extrêmes avec des pénétrations anales doubles, triples et même quadruple ainsi que du fisting. Dans ces scènes, il n’y a pas d’histoires « bidon » comme dans le porno classique, mais juste des scènes de sexe très intense.
Le problème actuel est que des actrices font ce genre de scène pour des raisons financières, car ces scènes sont très bien rémunérées, et non par plaisir. De ce fait les dérives sont grandes dans la pornographie hard et les acteurs et actrices n’hésitent pas à s’aider par des artifices.
Les femmes utilisent presque toutes des antidouleurs. Des crèmes qui rendent la peau indolore ou des médicaments contre la diarrhée pour assumer plusieurs heures de sodomie sans accidents, car même avec un lavement anale intense, ce n’est pas évident de rester clean tout le temps.
Les acteurs, qui tournent souvent, se piquent la queue. Ils s’introduisent à l’aide d’une seringue un produit pour bander. Sans cela ça serait difficile de garder leur queue dure pendant plusieurs heures afin de réaliser toutes les positions d’une scène.
Afin de créer des douches dorées incroyables, ils boivent des litres et des litres d’eau avant la scène. En parlant de ça, je me souviens que pendant des années je coupais ces scènes au montage, où l’on me pissait dessus, pour ne pas choquer mes followers et qu’aujourd’hui c’est devenu une pratique presque banale. On la pousse même souvent à l’extrême.
Pour ma part je n’ai pas besoin d’antidouleurs, car j’aime ces pratiques extrêmes et j’ai une facilité de dilatation que l’on peut juger comme un don. Je ne prends jamais de médicaments et afin d’assurer les scènes en toute propreté, je ne mange quasiment rien pendant toute une semaine de tournages. Avec les années j’ai appris à connaître et à apprivoiser mon corps.
Le porno à l’heure du neo-féminisme
Le porno à l’heure du néo-féminisme veut changer la façon dont on voit la sexualité. Il encourage à être gentil, à demander la permission et à respecter tout le monde. Il veut que les gens apprennent sur le sexe de manière saine et lutte contre les pratiques méchantes. Chacun doit pouvoir choisir ce qu’il veut faire avec son corps, mais cela peut être compliqué quand on est sous influence.
Il ne faut pas oublier que le porno vend d’abord du rêve. On veut fantasmer, soit sur des pratiques hard incroyables ou sur des situations quotidiennes que l’on aimerait voir se réaliser, comme se faire draguer par sa belle-mère ou par une collègue de travail.
Pour ma part j’adore les pratiques hard et je prends énormément de plaisir quand on me domine sexuellement. Selon le néo-féminisme, les doubles pénétrations anales ainsi de l’uro sont des pratiques « barbares » et/ou de la torture. Est-ce que quelqu’un a le droit de m’empêcher de réaliser mes fantasmes et de les partager à un public averti?
Un des problèmes vient de l’accès des mineurs à la pornographie. Des études montrent que les jeunes consomment du porno dès 12 ans. Il est important de réglementer l’accès aux différents sites. Aujourd’hui la plupart des sites, le mien également, demande juste si le visiteur est majeur ou non?
Tous les sites pornographiques interdisent leur accès aux mineurs quand l’accord parental est enclenché. Dans ce sens la Suisse désire responsabiliser les parents, tandis que la France veut interdire l’accès aux sites pornographiques si les sites eux-mêmes ne trouvent pas de solution concernant l’accès des mineurs.
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