Cela fait des années que je crée du contenu pour adultes. Des années à assumer mon corps, mes désirs, mes choix, et à les partager avec d’autres adultes qui en ont envie. Je n’ai jamais forcé personne. Je ne me suis jamais cachée non plus. J’ai fait mes choix en conscience, et je les défends. Mais ces derniers temps, quelque chose m’inquiète. Ce n’est pas la sexualité. Ce n’est pas la nudité. Ce n’est même pas la loi. C’est l’hypocrisie ambiante.
ON POINTE LES SITES, ON OUBLIE LES PARENTS
En France, on menace désormais de bloquer les sites pornographiques qui n’exigeraient pas un système d’identification robuste. Derrière cette initiative, une volonté: protéger les mineurs. Sur le papier, je comprends. Protéger les enfants, c’est essentiel. Mais dans les faits, ça me dérange. Parce qu’on fait porter toute la responsabilité à ceux qui diffusent, alors que les premiers concernés, ceux qui ont une autorité directe sur ces enfants… se taisent.
Les téléphones d’aujourd’hui sont bourrés de paramètres de sécurité. Des filtres parentaux, des restrictions d’âge, des blocages de sites, des alertes. Mais combien de parents les utilisent réellement ? Très peu. Et quand l’enfant tombe sur un contenu qui ne lui est pas destiné, c’est soudain la faute des plateformes, de l’État, des créateurs… jamais la leur.
J’AI GRANDI DANS UN MONDE DE CLÉS ET DE VERROUS
Petite, on tombait parfois sur un magazine caché, une VHS interdite, un canal brouillé à 23h. Ça éveillait la curiosité, ça faisait rire, parfois ça choquait. Mais c’était filtré par le réel. Aujourd’hui, en deux clics, un adolescent peut se retrouver face à des images explicites, violentes, sans contexte, sans explication, sans distance. Est-ce la faute du porno ? Non. C’est la faute de l’absence de cadre.
Et c’est là que je sens monter en moi une forme de colère douce mais tenace. Pas parce que je me sens visée, mais parce que je vois trop de gens abandonner leur responsabilité d’adultes, puis venir accuser ceux qui, comme moi, essaient pourtant d’être clairs, honnêtes, visibles. Je ne me cache pas. Mon site est explicite, mais il n’est pas sournois.
MON SITE, IL FAUT ALLER LE CHERCHER
Sur mon site, comme sur beaucoup de plateformes indépendantes, le filtrage passe aujourd’hui par une simple déclaration : ‘Avez-vous plus de 18 ans ?’. C’est la base. C’est légal, mais je sais que ce n’est pas suffisant. Je sais aussi que je ne peux pas être dans la poche de chaque ado, sur chaque téléphone, à chaque instant. Le seul moyen réel de protéger un mineur, c’est que ses parents fassent leur travail.
Et puis, soyons clairs: mon site n’est pas un mastodonte comme Pornhub ou YouPorn. C’est un ‘petit’ site personnel, artisanal, celui d’une libertine qui s’assume. On ne tombe pas dessus par hasard. Pour le trouver, il faut vouloir me trouver. Il faut taper Adeline Lafouine dans un moteur de recherche. Il faut déjà avoir une idée précise de ce qu’on cherche. Rien à voir avec les algorithmes qui poussent des vidéos sexuelles au détour d’un clic sur une plateforme lambda. Ce que je fais, c’est de l’adulte pour les adultes. Point.
Et pour être très claire: je ne me contente pas d’écrire des articles. J’en parle aussi à la maison. J’ai posé la question à mon fils: ‘Tu as déjà vu un film porno ?’. Il m’a répondu tout naturellement : ‘Non, jamais’. J’ai senti dans son regard qu’il n’avait pas besoin de mentir, parce qu’on parle, parce que chez moi ce n’est pas un tabou et que je ne l’ai jamais laissé seul avec ses questions.
MOI AUSSI, J’AI DÉCIDÉ DE CHANGER LES CHOSES
Je ne me considère pas comme une militante. Mais je suis une femme, une créatrice, et une mère. Et à ce titre, je sais ce que signifie guider, protéger, dialoguer. J’ai fait le choix de produire du contenu explicite, oui mais avec éthique, avec conscience, et toujours dans un cadre pensé pour les adultes. Et aujourd’hui, je ressens le besoin d’ajuster ce cadre.
À partir du 1er septembre 2025, mon site va évoluer. La partie gratuite – les teasers, les extraits visibles sans abonnement – deviendra plus soft, plus sensuelle, plus esthétique, moins crue. Ce ne sera pas un recul, mais un recentrage volontaire. Parce que je veux que l’accès au sexe explicite soit un acte clair, assumé, réservé à ceux qui le désirent consciemment.
Le contenu sexuel explicite, sans restriction, sera réservé aux abonnés. Ce sera un espace adulte, choisi, consenti. Un lieu virtuel où le plaisir ne se cache pas, mais ne s’impose pas non plus. Ce n’est ni une porte entrouverte, ni un piège algorithmique: c’est un choix. Et ce choix passera désormais par l’abonnement, non pas comme une barrière commerciale, mais comme un engagement clair à accéder à du contenu réservé à un public adulte, informé et volontaire.
LA LIBERTÉ DEMANDE DU COURAGE
Je crois en la liberté, celle de créer, celle de montrer, celle de désirer mais la vraie liberté s’accompagne de responsabilité. Et la mienne, je la prends.
Ce que je regrette, c’est que tant de parents ne prennent pas la leur. Qu’ils n’osent plus dire non, qu’ils ne parlent plus à leurs enfants, qu’ils confient à l’État le soin de verrouiller ce qu’eux-mêmes ne veulent pas affronter. Et pire encore qu’ils préfèrent, dès le plus jeune âge, coller une tablette entre les mains de leurs enfants ou les planter devant une télévision, sans se soucier de ce qu’ils regardent plutôt que de jouer à un jeu de société avec eux, ou simplement discuter. On éteint les cerveaux au lieu d’allumer la parole. On délègue au numérique ce qui devrait venir du cœur, du foyer, du lien.
Je le dis avec fermeté mais sans animosité: ce n’est pas aux créateurs de contenu de faire l’éducation sexuelle des enfants. Ce n’est pas au porno d’apprendre la tendresse, la confiance, le consentement. Ce n’est pas à moi de deviner à qui appartient chaque écran. C’est à chacun d’assumer sa place dans la chaîne.
CONCLUSION: ÉDUQUER, CE N’EST PAS INTERDIRE, C’EST ACCOMPAGNER
Oui, il faut des garde-fous. Oui, il faut poser des limites. Mais les limites ne servent à rien si elles ne sont pas incarnées, vécues, expliquées. Il ne suffit pas de bloquer un site pour que la question disparaisse. Il faut oser ouvrir la discussion, même quand c’est inconfortable. Il faut apprendre à regarder la sexualité en face, pas à la diaboliser. Il faut être parent, pas juste consommateur de filtres automatiques.
Et pendant ce temps, nous – les créatrices, les indépendants, les artistes du plaisir – nous continuerons à créer pour des adultes libres, mais toujours avec une conscience, une réflexion, et une exigence de respect.
4 Comments