La salle de bains est encore pleine de vapeur quand je sors de la douche. L’eau chaude a rougi ma peau, et la buée couvre le miroir comme un voile tendre. J’essuie un coin du verre du bout des doigts et je me regarde: les joues roses, les cheveux humides qui collent un peu à mes tempes, le regard à la fois calme et fébrile. Ce moment avant de partir, entre attente et excitation, a toujours quelque chose de délicieux.
Je ne me maquille presque pas, juste un peu de mascara, un soupçon de parfum, juste assez pour me sentir femme. Je choisis une robe fluide, légère, qui glisse bien sur la peau. Rien d’exagéré, juste une promesse discrète. Une paire de collants fins, les cheveux relevés, et je glisse dans mon sac une bouteille d’eau et du chocolat, réflexe presque rituel avant une soirée qui va sûrement me vider de mon énergie.
Dans le couloir de l’hôtel, mes pas résonnent doucement. Je descends lentement les escaliers, le cœur qui bat un peu trop vite. Ce n’est pas de la peur, plutôt ce frisson particulier du corps qui sait déjà ce qui va venir. Je traverse le hall, évite le regard du réceptionniste, et pousse la porte. Dehors, la nuit sent la pluie et le bitume tiède.
Je roule sans musique. J’écoute le moteur, le clignotant, la pluie fine sur le pare-brise. Ces petits bruits réguliers m’apaisent, me recentrent. Sur la route, je repense à nos échanges, des mots simples, précis, sans détour. Rien d’agressif, juste un cadre, un respect, et la promesse que tout se fera avec écoute. C’est ce que j’aime le plus, cette clarté avant l’abandon.
La maison est déjà allumée quand j’arrive. Derrière les rideaux, une lumière chaude, presque dorée. Je reste un instant dans la voiture, moteur éteint, les mains posées sur le volant. Je respire à fond, trois fois, puis je sors, mes talons s’enfoncent dans les graviers, le froid de la nuit me saisit les jambes.
Il m’ouvre la porte sans un mot, juste un sourire. À l’intérieur, la lumière est tamisée, la musique à peine audible. Je pose mon sac, enlève mes chaussures. L’air sent le cuir et le bois. Le silence se fait d’un coup, dense, presque physique. C’est le moment où tout bascule, plus d’extérieur, plus d’histoires, juste nous.
Le premier coup tombe, sec, clair. Ma peau réagit avant même que mes oreilles comprennent. Une chaleur immédiate se propage sur ma fesse, descend sur la hanche, remonte vers le ventre. Je ferme les yeux. Le second arrive, plus lourd, plus franc. Mon souffle s’allonge, devient profond, presque calme. Les suivants tombent à intervalles réguliers, dessinant un rythme. Ce n’est pas la douleur qui domine, c’est la chaleur, l’intensité. Chaque impact me fait vibrer, comme une onde qui traverse mon corps.
Je comprends à nouveau pourquoi j’aime ça. Ces dernières années, j’avais surtout connu des jeux plus travaillés avec des accessoires, des scénarios ou encore des petits rituels sophistiqués. C’était beau, raffiné, mais là dans la simplicité brute de ces coups, il y a autre chose. Quelque chose de vrai, d’instinctif. La peau, le souffle, la présence, rien d’autre.
Une étoffe glisse autour de ma nuque. Douce, presque fraîche au début, puis plus ferme. Le bandeau se resserre. Une main vient devant ma gorge, ne presse pas, mais encadre. Le geste est précis, maîtrisé. Il n’y a pas de peur, juste la sensation d’être tenue. Tout ce qu’on a défini avant me revient, les signes, les limites, les mots d’arrêt. C’est justement parce que tout est clair que je peux lâcher prise.
Mes poignets sont attachés au point d’ancrage au plafond. Je teste la résistance, tire légèrement. La tension me fait cambrer, m’allonge. Je me découvre étonnamment à l’aise, suspendue entre immobilité et liberté. Quand la cravache revient, la sensation est plus aiguë. Une ligne sur la hanche, une autre sur la cuisse. Je sursaute, puis j’attends le prochain. Le rythme devient musique entre trois coups rapides, une pause, deux plus lents. Mon corps suit, ma respiration se cale dessus.
Une vibration se glisse dans le jeu, faible d’abord, puis plus nette. Elle se pose juste là où je suis la plus sensible. Ma peau répond aussitôt. La chaleur et la douleur se mélangent, et ce mélange me soulève. Je ne pense plus, je ressens. L’air, la sueur, la chaleur qui monte de mes cuisses. J’ai la peau moite, les lèvres entrouvertes, les jambes tremblantes. Chaque impact me traverse. Je ne veux pas que ça s’arrête.
Il s’approche. Une main à ma nuque, l’autre sur ma poitrine. Le bandeau revient, juste ce qu’il faut pour que le monde disparaisse un instant. Le cuir tape, le souffle siffle, mon corps parle tout seul. Je n’ai plus besoin de mots. Je bouge, je tends les hanches, j’offre. Tout est à la bonne place, la force, la retenue, la confiance, puis tout s’arrête. Une petite brume passe devant mes yeux. Un mot, un signe, et déjà mes poignets sont libérés. Des mains solides me tiennent. On respire ensemble. L’air revient, plus doux, plus large. Je m’assois, on me tend un verre d’eau. Mes jambes tremblent encore. Je souris. C’est fini, mais en moi ça continue de vibrer.
On reste au salon. La lumière est plus calme. Des mains reviennent, caressent, consolent. Pas de paroles inutiles, juste des gestes simples, précis. Une caresse, une vibration légère, un soupir. Le corps repart doucement. Mes seins sont sensibles, ma peau électrique. J’ai la tête légère, la bouche sèche, et pourtant je me sens incroyablement vivante.
Quand tout se calme enfin, on rit doucement. On parle du rythme, de l’intensité, de ce moment suspendu où j’aurais pu dire stop. Je me sens vidée, comme une fatigue heureuse, comme après avoir beaucoup pleuré ou beaucoup dansé.
Le lendemain, chaque mouvement me rappelle la veille. Monter en voiture, attraper une tasse, me pencher, tout réveille une trace, une petite brûlure. Devant le miroir, les marques forment une carte sur ma peau. J’y passe la main. Ça pique, mais c’est doux aussi. Ce n’est pas une douleur, c’est un souvenir. Je souris. Ce n’est pas du manque, c’est du désir. L’envie de recommencer, de prolonger, de retrouver ce mélange de force et d’abandon.
Ce soir-là, j’ai retrouvé quelque chose de simple, la sensation pure d’être vivante.
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